Julien Mercier rejoint le MEI : « Pouvoir amener des réflexions issues de mon expérience dans le design est très excitant »
En Octobre 2020, Julien Mercier a rejoint la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD) dans le cadre de son doctorat
Titulaire d’un Master en Computational Arts de la Goldsmiths, University of London, designer graphique et media freelance, Julien Mercier est avant tout un artiste dans l’âme.
Lausanne, New-York, Berlin, Paris, Genève, Londres, Zurich… Julien détient un parcours riche, varié et complémentaire dans de nombreux domaines à la frontière entre audiovisuel, graphisme, visualisation et technologie.
L’éducation et l’enseignement ayant une place centrale dans son approche, il rejoint l’équipe d’Olivier Ertz au sein du MEI pour entamer un doctorat qui s’avère passionnant. Réalité augmentée et biodiversité se rencontreront dans un projet de recherche permettant de sensibiliser enfants et jeunes adultes à la biodiversité. Sa passion et ses études le conduisent ainsi à trouver la juste alchimie entre sa vision artistique et les technologies digitales.
Découvrez dès à présent son parcours passionnant, son projet et ses motivations au travers de cet interview. Nous sommes tout particulièrement ravis de l’accueillir au sein de l’institut et nous nous réjouissons de suivre sa recherche.
Quel est ton parcours ?
De 2006 à 2012, j’ai étudié les arts visuels puis le design graphique à l’ECAL. Lors de ces études, j’ai effectué un échange à la School of Visual Art de New York où j’ai brièvement étudié l’animation et la vidéo. À la suite de mes études, je suis parti à Berlin pour travailler dans le studio de design de Laurenz Brunner, principalement sur du design d’expositions, de catalogues, et le dessin de caractère typographique, qui est ma première « spécialité ». En parallèle à mon activité de designer graphique, j’ai développé au fil des années une pratique artistique de plus en plus axée sur la technologie.
« J’ai souhaité faire de ma pratique artistique un élément plus central de ma vie. »
Dès mon retour en Suisse en 2015, j’ai travaillé comme chargé de cours à l’ERACOM, où j’enseignais le design pour écran dans la filière Interactive Media Design. J’ai ensuite commencé à travailler au sein de la fonderie digitale Optimo et le studio Gavillet & cie, qui (respectivement) distribue des caractères typographiques et réalise des identités visuelles, livres, sites etc. pour de grands acteurs nationaux et internationaux. Cela a confirmé mon goût pour la programmation créative et le développement d’interfaces, tandis que mes activités artistiques me guidaient vers un art du son, expérimental.
J’ai ainsi souhaité faire de ma pratique artistique un élément plus central de ma vie. Je suis reparti étudier au sein du Master en Computational Arts à Londres. À l’issue de mon Master, j’ai travaillé comme assistant de laboratoire au sein du cours de physical computing, où l’on enseigne la robotique éducative, type arduino, raspberry pi, jetson nano.
J’ai aussi été primé au concours fédéral de design 2020 pour mon travail typographique (après avoir été nominé en 2015 pour un dessin animé).
De retour en Suisse, grâce à la naissance de mon fils et à l’occasion d’une invitation à faire un projet de recherche à la ZHdK de Zurich, j’avais définitivement pris goût au monde de la recherche académique. J’ai donc recherché un poste portant sur cet univers mêlant éducation et digital.
Peux-tu nous dire un peu plus sur ce projet à Zurich ?
Entre mars et septembre 2020, j’ai eu la chance de travailler comme artiste-chercheur invité au sein de l’ICST (Institute of Computer Music and Sound Technologies) de la ZHdK, la haute école d’art de Zurich. Ils y mènent des recherches sur les interfaces liées à la production ou à l’analyse de sons. Avec Eirini Kalaitzidi, une collègue chorégraphe/creative coder, nous avons développé un projet de sonification des mouvements du corps grâce à un système de capture de mouvements. Nous avons programmé des synthétiseurs qui se modulent en fonction des mouvements d’un·e performer. Nous avons réalisé que la dimension « ajoutée » du son permettait d’apprécier les mouvements d’un corps de façon multimodale, ce qui nous a donné de nombreuses pistes de réflexion. Nous avons synthétisé de nouvelles séquences de mouvements, à partir d’un réseau neuronal profond (LSTM) entrainé sur les enregistrements que nous avions réalisés. Le but était d’écouter les sons produits par les mouvements de ces avatars virtuels, et de s’en servir pour évaluer la qualité ou l’« humanité » des séquences générées.
Comment tu définirais-tu ?
J’ai un peu de la peine à me définir sous l’angle d’une profession ou d’un savoir-faire, ce qui est probablement en lien avec une époque où l’on nous demande d’être transversaux. J’essaye d’intégrer tous mes intérêts à ma pratique. Mon master m’a mené vers la recherche en technologie créative, et l’éducation digitale me parait un domaine propice pour apporter cette approche créative. Beaucoup d’opportunités se créent dans ce domaine… Cependant ce milieu novateur des moyens d’enseignement médiés par le digital peine encore à mettre en valeur ce qu’il peut apporter à son public.
« Grâce à cette collaboration, nous tenterons ensemble de formuler des recommandations pour l’utilisation de ces technologies dans le cadre scolaire. »
Quel est ton projet de thèse aujourd’hui ?
Il s’agit de développer et évaluer des applications de réalité augmentée dans le cadre de l’enseignement de la biodiversité à des enfants ou des jeunes adultes. Cela comprend un travail important sur les interfaces et les interactions, mais aussi une compréhension du domaine de l’éducation. C’est pourquoi le projet est une co-thèse avec la HEP : une autre doctorante (Laura Léon – groupe de recherche de Catherine Audrin) se concentrera sur le développement de méthodes qui permettront d’évaluer les performances en termes d’apprentissage de la part des apprenant·es. Grâce à cette collaboration, nous tenterons ensemble de formuler des recommandations pour l’utilisation de ces technologies dans le cadre scolaire. Au sein de l’éducation, la réalité augmentée est un sujet prometteur mais sensible : parents et enseignants peuvent émettre des réserves… Il s’agit donc de travailler main dans la main et de garder l’esprit ouvert.
En dehors de sa thématique, ta thèse a un contexte qui lui est tout particulier. Peux-tu nous le décrire ?
Il s’agit d’une thèse qui est co-dirigée par le Prof. Olivier Ertz du MEI, ici à la HEIG-VD, et par le Dr. Erwan Bocher de l’Université Rennes 2. Les HES n’ont à ce jour pas le privilège de délivrer des titres doctoraux. Ainsi, les HES qui souhaitent faire de la recherche sous la forme de thèses doctorales doivent s’associer avec une université. A l’instar de nombreuses universités, les HES font de plus en plus de recherche liée à des problématiques plus concrètes et appliquées dite recherche “practice-based” dans le monde anglo-saxon. Ce type de recherche très répandue au Royaume-Uni est en prise directe avec la société.
Pourquoi avoir finalement rejoint le MEI ?
Je souhaitais travailler dans l’éducation digitale, tout en restant dans une approche « recherche » plutôt que « production », et c’est une chance que donnent à la fois le FNS et le MEI.
Pouvoir amener des réflexions issues de mon expérience dans le design ou la gamification est très excitant dans le cadre de développement des plateformes et applications de réalité augmentée. J’espère que mon background me permettra d’apporter des idées qui ne font pas encore partie du vocabulaire de la réalité augmentée.
ROCK ME BABY et JULIEN MERCIER
« Le passage d’une technologie à une autre a toujours eu d’énormes impacts sur le design des lettres. »
Du 11.10.2020 au 23.12.2020, le centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains propose sa nouvelle exposition intitulée Rock me baby par l’artiste Suisse Sébastien Mettraux.
Le MEI occupe justement des bâtiments tout particulièrement en lien à cette thématique, à savoir « Un regard croisé sur la machine à écrire et le paysage industriel vaudois ».
Julien, qu’est-ce que ce lieu évoque pour toi, typographe passionné ?
Dans ces bâtiments, il y avait le foyer des machines à écrire Hermes. L’ère des machines à écrire, c’est un monument de l’histoire du dessin de caractères typographique en Suisse. La fonderie digitale où je travaillais a édité un caractère issu de la « Hermes 3000 ».
Le passage d’une technologie à une autre a toujours eu d’énormes impacts sur le design des lettres. D’ailleurs, tout l’aspect technique en lien avec le domaine m’a progressivement introduit à la programmation. Une police de caractère, aujourd’hui, c’est un programme informatique, qui se distribue sous licence. Légalement comme techniquement, c’est du code, aussi peu instinctif que cela puisse paraitre.
Pour en apprendre plus sur cette exposition : écoutez ce podcast RTS !
Pour vous rendre prochainement à cette passionante exposition :
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