Maxime Collombin

Dans le cadre de notre série d’interviews, nous avons le plaisir de vous présenter Maxime Collombin, collaborateur scientifique au MEI.

Quel est son parcours ? Quels sont ses objectifs ? Comment ses recherches résonnent-elles avec ses passions ? Nous nous sommes entretenus avec lui afin de vous offrir un aperçu de sa vision et de ses projets.

Comment es-tu arrivé au MEI?

Au bénéfice d’un Master en Géologie sédimentaire, environnementale et des réservoirs de l’Ecole Lémanique des Sciences de la Terre, j’ai pu vivre différentes expériences professionnelles au sein de bureaux d’études et services cantonaux. La donnée à composante géographique étant intrinsèquement liée aux professions du domaine environnemental, je me suis tout naturellement orienté vers les Systèmes d’Information Géographique plus communément connus sous l’acronyme “SIG” avant de débuter mon travail au MEI.

Sur quoi travailles-tu au MEI?

Mes recherches s’orientent principalement sur les enjeux de la standardisation dans le domaine de la géoinformatique. La donnée à composante géographique étant de plus en plus présente dans les systèmes numériques, il s’agit de faire en sorte que les différents équipements ou logiciels puissent se connecter entre eux, fonctionner ensemble de manière efficace et transparente. C’est ce qu’on appelle l’interopérabilité, elle est au cœur de mes préoccupations.

Il existe des standards internationaux, mais également nationaux, pas forcément compatibles. De plus, ils évoluent au cours du temps.

Ces dernières années, l’Open Geospatial Consortium (OGC) a proposé d’importants développements que l’on ne peut ignorer. En Suisse, il faudra donc prendre des décisions et relever certains défis. En ce moment je suis sur la révision de la norme eCH-0056.

Mon travail consiste à appréhender les changements en cours, et à émettre des recommandations. Une part importante de mes activités est consacrée à la veille technologique et à la dissémination de connaissances.

Parle-moi d’un événement marquant de ton parcours?

Ce fut sans conteste ma participation en 2016 au projet Grand Nord du quotidien romand 24 heures. Nous nous sommes rendus dans différentes régions au-delà du cercle arctique. Nous avons pu y découvrir le quotidien d’un peuple autochtone de Sibérie, les nénètses, vivant au plus près de la toundra et subissant de plein fouet le dérèglement climatique. Cet été-là, les températures dépassaient les… 30°C !

Passionné par les roches et minéraux depuis l’enfance, mais aussi par tout ce qui touche à l’environnement, cette expérience m’a fait prendre pleinement conscience du fragile équilibre qui nous permet d’habiter cette planète.

Tu as grandi dans une station de sports d’hiver ? Et maintenant ?

Oui, j’ai eu la chance de vivre à Verbier. Grimpe, alpinisme, ski, snowboard, télémark, ont bercé ma jeunesse, en totale insouciance. L’environnement était sublime, et la neige abondante !

Aujourd’hui les enjeux sont clairs et j’essaie d’agir pour la préservation de ces lieux. J’ai eu tant de plaisir à les parcourir mais ils sont menacés par l’extension du bâti et par le dérèglement climatique.

En rejoignant le MEI en novembre 2021, j’ai eu l’occasion de concilier mes préoccupations avec mon activité professionnelle. Je peux désormais diffuser des connaissances, et mobiliser les consciences.

Mon travail porte sur les standards de la géoinformation, qui s’appliquent à toutes sortes de domaines : urbanisme, aéronautique, militaire, etc. Dans la mesure du possible j’essaie d’orienter mes cas d’études sur des thématiques environnementales.

L’information géographique, à travers ses innombrables possibilités de représentation, est un puissant vecteur de communication.

La cartographie c’est tout un monde, non ?

En effet, la cartographie est un domaine à part, à la croisée des arts et des sciences. Elle fait l’objet d’une littérature abondante, et grâce au support numérique, les possibilités sont infinies, l’imagination est presque la seule limite. Mais les cartes sont aussi les témoins des changements contemporains, elles ont un rôle indéniable à jouer par rapport au message qu’elles véhiculent. Selon Isabelle Delannoy : Théoricienne du modèle de l’économie symbiotique, co-auteure du film “Home” avec Yann Arthus-Bertrand: “la cartographie sert de base pour enclencher un développement régénératif à la fois écologique, économique et social”.

Source YouTube:  IGN – Cartographier l’anthropocène : changer d’échelle pour pouvoir agir

Atlas IGN des cartes de l’anthropocène

https://www.ign.fr/atlas-ign-des-cartes-de-lanthropocene

Peux-tu développer ce lien entre géoinformation et problématique climatique ?
La géoinformatique a grandi avec le web. Les communautés de développeurs opensource sont très actives depuis son apparition, mais elle est aussi l’un des premiers domaines à privilégier les logiques collaboratives. Peu après la création de Wikipédia, une multitude de contributeurs s’est attelé à la création d’Openstreetmap, la carte du monde librement accessible. Depuis les opérations de crowdsourcing faisant appel au support cartographique n’ont cessé de se multiplier, à l’exemple du HOT (Humanitarian OpenStreetMap Team), une communauté de plus de 400’000 personnes qui contribuent, à distance, à l’aide en cas de catastrophe, risque climatique compris.

Activation d’une communauté HOT pour analyser les images satellites, et recenser les routes et les immeubles impactés par le tremblement de terre.

https://www.hotosm.org/disaster-services/turkiye-earthquakes-february-2023-activation

La géoinformation doit être un domaine “ouvert” à rattacher à la notion de “commun”. En favorisant des données ouvertes et des technologies Open Source nous favorisons l’émergence d’une intelligence collective, qui dans le cadre des enjeux climatiques et de la biodiversité, devrait pouvoir offrir des indicateurs clés utiles aux collectivités.

Tu es député au Grand Conseil du canton du Valais, comment fais-tu le lien entre tes activités politiques et professionnelles ?

Les décideurs ont besoin d’indicateurs clairs afin de prendre de bonnes décisions. C’est là que la géoinformation entre en scène. Pour citer une nouvelle fois Isabelle Delannoy: “On a besoin d’un commun et de données qui ne font pas débat pour pouvoir débattre du vivre ensemble”. C’est à mon sens le rôle que la géoinformation a à jouer. Le reste dépend des sensibilités politiques.

Quelles sont tes influences et inspirations quotidiennes et où t’amènent-elles?

Ce sont d’abord mes collègues, qui me permettent d’évoluer dans un cadre motivant et m’offrent l’opportunité d’apprendre au quotidien dans l’univers passionnant qui m’occupe. Ensuite, je lis beaucoup, et j’apprécie particulièrement les ouvrages de « l’école française » de cartographie (Jacques Bertin, Philippe Rekacewicz et Nephthys Zwer pour ne citer qu’eux). Ils ouvrent encore aujourd’hui sur des perspectives inexplorées dans le cadre de la représentation cartographique, même si – transformation numérique oblige – elle a malheureusement tendance à s’orienter vers une dimension toujours plus technologique et … énergivore.

Quant à mes aspirations, je souhaite participer au développement d’un « geoweb » plus ouvert, plus proche de l’essentiel et permettant à chacun·e d’accéder à une information plus intelligible, objective et accessible. Au MEI et à l’INSIT nous avons une poignée de chercheurs qui contribue à l’international aux travaux de l’OGC. Pour l’instant, au quotidien, je m’occupe des spécificités suisses, mais j’espère bien ne pas en rester là !

À voir et à lire:

https://www.istegroup.com/wp-content/uploads/2022/11/Mericskay-couv.png
ZWER Nepthys, REKACEWICZ Philippe, Cartographie radicale, Explorations, Éditions La Découverte, 2021 MERICSKAY, Boris, Communication cartographique : sémiologie graphique, sémiotique et géovisualisation, ISTE Editions, 2021 BERTIN, Jacques, Semiologie graphique, Mouton/Gauthier-Villars, Paris/La Haye, 1967

 

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