Prendre la mesure de nos activités numériques avec CarbonViz

 

Dans le cadre d’un projet Innosuisse, le Media Engineering Institute a développé une extension web qui rend visible l’impact de nos activités numériques sur notre consommation d’énergie et les rejets de CO2 associés.

Nous consommons toutes et tous, jour après jour, des données qui transitent par Internet. E-mail, images, vidéos, musique, articles, nous ne questionnons plus la disponibilité immédiate de ces contenus. Or le voyage de ces données jusqu’à notre navigateur n’est ni simple, ni gratuit. La dématérialisation a un coût, en ressources, en infrastructures et en dépenses énergétiques.

CarbonViz aborde ce problème avec l’objectif d’améliorer la perception et la compréhension des enjeux énergétiques du numérique. En se plaçant au cœur de nos activités, au sein même du navigateur, l’extension permet de visualiser en direct les données téléchargées et la quantité de CO2 émise. Pour ce faire, le MEI a collaboré avec l’Institut de génie thermique (IGT), qui a développé une méthode de calcul rigoureuse.

Destinée d’abord aux entreprises, CarbonViz est aussi un moyen de sensibiliser et de communiquer sur l’impact de nos activités numériques directement auprès du secteur économique.

Une première phase de test utilisateur et de mesure des effets de sensibilisation s’est terminée mi-mai 2022 avec le soutien du programme Equiwatt de la Ville de Lausanne. Les résultats obtenus permettront de soumettre une nouvelle demande auprès d’Innosuisse, en partenariat avec les services industriels de la ville de Lausanne, pour développer la prochaine version, destinée au grand-public cette fois.

En parallèle, une autre collaboration a été lancée avec la Romande Énergie, dans le but de passer de l’autre côté de l’écran et de chercher comment accompagner les fournisseurs de services en ligne pour éco-concevoir des services plus responsables. Ce projet, appelé ByteSim, prendra la forme d’un service en ligne capable d’analyser les écrans de conception avant leur développement technique.

Notre consommation énergétique via internet est difficilement palpable. L’extension Carbonviz rend visible l’impact de nos activités numériques sur notre consommation d’énergie et les rejets de CO2 associés. © Céline Simonetto

 

Deux collaborateurs de CarbonViz, Stéphane Lecorney et Gaël Paccard, expliquent leur rôle au sein de ce projet et nous parlent de son avenir

Stéphane Lecorney, Responsable Ra&D et développeur au MEI

 

Quel a été ton rôle sur ce projet?

Quand Laurent Bolli, professeur au MEI, a eu l’idée du projet, il m’a demandé si je connaissais des outils permettant de connaître son impact en ligne. Étant sensible au sujet, j’avais quelques connaissances, mais je n’avais jamais fait de recherche détaillée. L’état de l’art des connaissances scientifiques, qui consiste à inventorier les solutions existantes, nous a permis très vite de réaliser que ce type d’outil manquait. Ensuite, pendant la phase de réalisation, j’ai coordonné les travaux avec l’Institut de Génie Thermique de la HEIG-VD, qui a travaillé sur le modèle de calcul, et coordonné les travaux de développement de l’extension web.

 

Qu’est ce que Carbonviz représente pour toi?

CarbonViz permet aux utilisateur·rice·s de visualiser de manière claire les conséquences et la matérialité du numérique qui disparaît souvent derrière des termes vagues comme “services en ligne”, “cloud”, etc. CarbonViz se situe dans un axe croissant de recherche au MEI, qui s’intéresse aux aspects durables de la transformation numérique. Après la publication du guide ESS, CarbonViz s’inscrit dans cette volonté de promouvoir le numérique responsable et de participer au débat public à travers des projets de Recherche.

 

Comment fais-tu le lien avec tes projets personnels?

Les questions environnementales me touchent particulièrement et CarbonViz est un moyen de lier mes compétences professionnelles avec mes interrogations personnelles sur l’impact du numérique, en particulier les questions de sobriété numérique.

 

Quelles améliorations aimerais-tu apporter à l’extension? Quel est ton Carbonviz parfait?

Le CarbonViz parfait permettrait de suivre l’intégralité de ses activités en ligne, y compris en dehors du navigateur web: sur les applications natives de courriel, de messageries instantanées, visioconférence, etc., mais aussi sur les smartphones. Certaines limitations techniques nous ont contraint·e·s à nous concentrer sur les navigateurs internet, mais nous réfléchissons à d’autres possibilités.

 

Quel est l’avenir de Carbonviz?

Nous venons de terminer une phase de tests utilisateurs en partenariat avec Equiwatt, de la ville de Lausanne. Grâce à ces tests, nous pourrons améliorer l’interface, convaincre des partenaires de collaborer et, finalement, diffuser CarbonViz plus largement. Nous envisageons plusieurs directions, comme de permettre à une entreprise de mesurer son impact numérique et d’identifier des économies potentielles, ou des versions plus grand public.

 

 

Est-ce que tu peux me parler des fonds Innosuisse et de leur rôle dans ce projet?

Innosuisse est l’agence suisse pour l’encouragement à l’innovation. Elle fournit des aides à des start-ups ou des entreprises en finançant des projets public-privé entre un partenaire d’implémentation et un institut de recherche. Pour des projets plus incertains, ou lorsqu’une phase de recherche avancée est nécessaire, Innosuisse finance également des projets plus limités, sans partenaire d’implémentation. C’est ce système qui nous a permis de financer le premier développement de CarbonViz.

 

Est-ce que vous attendez des collaborations?

Nous sommes déjà en collaboration avec deux organisations pour CarbonViz. Nous avons testé l’extension auprès d’une dizaine d’utilisateur·rice·s de la ville de Lausanne en partenariat avec leur pôle Equiwatt. Cela nous a fourni de précieuses informations sur la réception de l’outil, les améliorations à apporter et son impact sur les comportements et la culture numérique des utilisateur·rice·s. Les prochaines étapes sont à discuter avec Equiwatt. Nous réfléchissons par exemple à une campagne de sensibilisation vers les habitants.

En parallèle, nous avons lancé un nouveau projet avec la Romande Energie à la suite d’un appel à projets de la HEIG-VD. Avec celui-ci, nous passons de l’autre côté de l’écran et cherchons comment accompagner les fournisseurs de services en ligne pour éco-concevoir des services plus efficients.

 

Qu’attendez-vous d’une collaboration avec la Romande Énergie?

La Romande Énergie nous donne les moyens d’aborder des choses concrètes et d’obtenir l’aide d’équipes actives dans la conception, le développement, le déploiement et la maintenance de services en ligne. Avec ce partenariat, nous souhaitons identifier un cas pratique d’utilisation d’un outil d’éco-conception et d’analyse de l’impact des services en ligne. Cela nous permettra aussi de créer une solution adaptée aux outils utilisés dans les entreprises et de mieux comprendre comment aider les équipes de conception et développement à concevoir des sites ou des services plus responsables.

 

Quelles sont les victoires satisfaisantes de ce projet?

L’accueil du projet a été vraiment très positif et nous nous sommes aperçus que cela répondait à de vraies questions très actuelles pour de nombreuses personnes ou organisations. Nous recevons aussi beaucoup de feedbacks sur des améliorations ou extensions possibles. L’autre point très positif est que, même après seulement quelques jours d’utilisation, certain·e·s utilisateur·rice·s avaient déjà mentionné être plus conscient·e·s de leur utilisation de données et avoir adapté leur comportement.

 

Gaël Paccard, assistant académique et designer UX au MEI

 

Quel a été ton rôle sur ce projet?

Designer UX, et illustrateur.

 

Avais-tu déjà dessiné des illustrations pour des projets scientifiques?

Oui, mais dans des styles beaucoup plus schématiques. C’est un peu une première pour moi de dessiner des personnages pour un projet public.

Les illustrations de Gaël Paccard représentent des analogies, qui permettent de prendre conscience de notre consommation. © Gaël Paccard

 

D’où vient ton inspiration pour les illustrations?

Il y a un peu des «Monsieur Bonhomme» de Roger Hargreaves, avec des simplifications à la Mix et Remix. Le style est un choix assez pragmatique pour me permettre de tester rapidement plusieurs variantes et aussi pour conserver une unité entre les illustrations.

 

Combien de temps mets-tu pour réaliser une illustration?

C’est très variable selon la difficulté d’exprimer le sujet, peut-être une demi-heure pour des croquis et une demi-heure supplémentaire pour le dessin final. Mais l’illustration du rameur a pris beaucoup plus d’essais par exemple.

 

Qu’est ce que Carbonviz représente pour toi?

Pour diminuer notre impact sur notre environnement, nous devons impérativement changer nos comportements de consommation. Au-delà de notre impact numérique, j’espère que CarbonViz nous donne des pistes pour modifier d’autres comportements problématiques.

 

Quelles améliorations aimerais-tu apporter à l’extension? Quel est ton Carbonviz parfait?

Nous avons fait des tests d’utilisations et certaines fonctionnalités sont bien trop cachées. J’aimerais notamment faire ressortir l’historique et les sites avec le plus mauvais impact. Un Carbonviz parfait nous rappellerait les bons gestes uniquement au moment opportun. Beaucoup d’utilisateurs nous demandent de pouvoir comparer leur consommation par rapport à un impact acceptable. C’est un but lointain à ce stade, mais ça fait partie des choses que nous espérons faire.

 

Lien vers l’extention Carbonviz

 

Le voyage des données jusqu’à nos ordinateurs n’est rendu possible que par une extraordinaire débauche de moyens: des milliers de kilomètres de câbles sous-marins qui relient les continents, de colossaux centres de données qui tournent en permanence à plein régime, des flottes de satellites qui arpentent chaque recoin de notre orbite géostationnaire. © Céline Simonetto

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