Simon Pinkas

En Juillet 2022, Simon Pinkas a rejoint la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD)

Simon Pinkas rejoint les rangs du département COMEM+ en tant que Maître d’enseignement en développement web.

Parmi nous depuis le 1er juillet, il commencera à donner ses cours aux étudiants dès le mois de septembre 2022.

Développeur, media designer et enseignant basé à Lausanne, toutes ces facettes lui permettent de savoir mener des projets de bout en bout. Pour lui, développement et design ne sont pas des univers si différents : après tout « il s’agit de résoudre des problèmes ».

Découvrez sans plus tarder son parcours qui l’a conduit en Californie, la HEAD, l’Eracom, ses casquettes de baseball et bien plus encore.

D’où vient ta passion pour la programmation ?

Bien que j’ai toujours été féru de nouvelles technologies et prêt à bidouiller avec les machines que j’avais sous la main, je me suis mis à la programmation assez tard. En fait, ça a coïncidé avec mon premier emploi, à l’Apple Store de Genève quand j’avais 18 ans. J’ai passé à peu près deux ans à vendre des fourres pour iPhone la journée (ou un ordinateur quand j’avais de la chance) et à apprendre à programmer la nuit. Nous sommes alors en 2008 et il n’y avait pas – à ma connaissance – de cours en ligne sur ce sujet. J’ai donc appris à l’ancienne, avec des bouquins. 

Le futur était clairement le smartphone et à cette période il n’y avait pas d’autre choix que d’apprendre à manier les outils de l’écosystème Apple

En 2008, il y a un événement majeur qui va orienter les choix techniques de nombreux développeurs novices: il s’agit du lancement de l’App Store. J’y ai vu, comme beaucoup de monde, une opportunité assez claire. Le futur était assurément le smartphone et à cette période il n’y avait pas d’autre choix que d’apprendre à manier les outils de l’écosystème Apple pour pouvoir éventuellement publier quelque chose sur cette plateforme. Mon premier contact avec la programmation s’est donc fait en Objective-C, chose qu’avec le recul je ne souhaiterais à personne.

C’est aussi durant cette période que je me découvre une fascination pour le design d’interface: quand tu passes 8 heures par jour à regarder des personnes de tout âge et de tout milieu interagir avec des machines que tu connais comme tes poches, tu commences à développer un sens assez aiguisé de ce qui est intuitif ou non dans un dispositif numérique. 

2008, la sortie de l'iPhone 3G, une révolution

Le lancement de l’App Store en 2008

Quelle est la suite de cette période Apple ?

J’ai essayé pas mal de choses entre le moment où je quitte l’Apple Store et le moment où je reprends mes études. J’ai travaillé très brièvement dans une boite de communication, j’ai bossé à mon compte et j’ai surtout continué à m’instruire. Chaque projet était une opportunité d’apprendre quelque-chose de nouveau.

Je dirais que la chose la plus importante pour moi durant ces deux années a été de vivre pleinement ma passion pour la musique. Je ne jouais pas énormément moi-même, mais j’étais « de tout les concerts ». J’ai beaucoup travaillé comme bénévole, j’écrivais pour un magazine et j’ai aidé à organiser quelques événements ici et là. Le réseau que je me suis formé durant cette période est encore le coeur de ma clientèle freelance, dix ans plus tard. Sans parler des amitiés formidables que j’ai noué à ce moment-là et des souvenirs de concerts impérissables.

Vers quoi t’es-tu dirigé pour la reprise de tes études universitaires ?

J’ai commencé à m’intéresser aux arts « nouveaux médias » par le biais de mon père, qui enseignait dans le nouveau master Media Design proposé par la HEAD. J’ai pu voir les travaux de ses étudiant.e.s et j’ai tout de suite été fasciné par le potentiel des interfaces tangibles et des outils tels qu’Arduino et Processing. Ces derniers ont vraiment permis aux designers et aux artistes de s’approprier le numérique en y apportant leur sensibilité visuelle et leur regard critique. C’est dans ce domaine que j’ai souhaité reprendre des études, inspiré en particulier par les travaux du Tangible Media Group du MIT Media Lab et ceux d’Aaron Koblin. Mon premier choix s’est porté sur UCLA, qui avait la particularité d’offrir un programme précurseur dans ce domaine, et ce dans un cadre universitaires plutôt que dans une école d’art. J’ai été très agréablement surpris d’avoir été retenu lors du concours d’entrée, compte-tenu de mon parcours un peu chaotique.  

Destination la Californie

En route pour la découverte des États-Unis donc ?

C’était en effet parti pour 4 années d’études, mais pas uniquement dans ma branche.

C’est un peu la chance et le charme de l’université Étasunienne : ce cadre donne l’opportunité aux étudiant.e.s de découvrir des sujets hors de de leur discipline « majeure ». Ceci m’a donc permis de suivre des cours en astrophysique, philosophie, science politique, logique, geographic information systems etc… En Bachelor, un peu moins de la moitié des cours que nous suivions touchaient à notre domaine de prédilection.  

Simon Pinkas, borne d’arcade au dos, lors du UCLA Game Art Festival

Ces cours à option ont généralement fini par m’intéresser tout autant que le design et ont indiscutablement informé ma pratique. J’ai aussi eu l’opportunité de m’impliquer dans la vie du département en réalisant des mandats pour celui-ci ainsi que certain.e.s de mes professeurs. J’ai aussi passé pas mal de temps au Game Lab, que je vous conseille vivement de découvrir.

C’est aussi à UCLA qu’a lieu mon premier contact avec l’enseignement, dans le cadre du Summer Institute où j’ai donné le cours d’introduction à la programmation web. 

Le campus américain bouillonne d’activités passionnantes auxquelles il est nécessaire de s’inscrire

Les cours à option ont généralement fini par m’intéresser tout autant que le design et ont indiscutablement informé ma pratique.

Et ta passion pour le baseball, elle vient de ton passage aux USA ?

A l’origine, il s’agit d’une histoire familiale. Mon père est né au Venezuela où le baseball est le sport national. Bien qu’il soit arrivé en Suisse assez jeune, il a conservé un certain intérêt pour ce sport et il faut croire que j’en ai un peu hérité. Mais l’obsession a vraiment commencé lorsque je suis arrivé à Los Angeles. C’est une ville de baseball (et de basketball, ne faisons pas de jaloux)!  Soutenir activement les Dodgers y est une quasi-obligation et cela rassemble les diverses communautés qui vivent là-bas. Le point de non retour a été le moment où j’ai découvert Vin Scully (ci-dessous en vidéo). Sa voix m’a complètement transporté : narrateur de génie, il avait une manière unique de raconter les anecdotes. Avec ma famille, mes amis proches et ma copine en Suisse, j’étais souvent seul en Californie. Ça peut sembler ridicule, mais la voix de Vin Scully sortait de mes hauts-parleurs 3 à 4 heures par jour: c’est rapidement devenu une présence rassurante. Il est malheureusement décédé il y a quelques semaines. Tout Los Angeles était en deuil.

J’ai aussi un peu joué dans une équipe du dimanche, mais je n’étais pas particulièrement bon et régulièrement blessé. J’ai finalement commencé à m’intéresser aux thématiques liées à la recherche analytique en baseball: comment représenter le vrai talent d’un joueur par des nombres? Peut-on développer des modèles réellement prédictifs? C’est le podcast Effectively Wild qui m’a entraîné là-dedans. Par pitié pour vous, ne me lancez pas sur le sujet. 

 

Quelle fut ta décision au bout de ces 4 ans ? Était-ce un choix draconien pour rentrer ou rester ?

A l’issue de mes études je n’ai pas vraiment eu de dilemme ou de questionnement sur le fait de rester en Californie ou non. Quelques semaines avant de quitter la Suisse, j’avais rencontré la femme qui est maintenant mon épouse. Après 4 années de relation longue distance, il était temps pour moi de rentrer. J’ai adoré Los Angeles, mais je ne m’y suis jamais senti « à la maison ».  

Travailler dans un GAFA (…) j’ai senti que cette voie n’était pas pour moi.

Un autre facteur a été décisif : en voyant mes amis de l’université rentrer sur le marché du travail dans les GAFAs ou des startups étasuniennes, j’ai remarqué que leur vie entière s’articulait soudainement autour de leur travail. L’investissement demandé était colossal en termes d’heures, d’implication… Ils étaient dévoués corps et âme à l’entreprise, en permanence. J’ai senti que cette voie-là n’était pas pour moi. 

Que peux-tu nous dire sur ton expérience chez Petzi ?

Entre mon retour des États-Unis et le début de mon master, j’ai travaillé sur l’implémentation de la nouvelle billetterie mise en place par Petzi, la faitière des clubs de musique actuelle. C’était un travail titanesque, mené en grande partie par des bénévoles. J’ai évolué dans le milieu des musiques actuelles comme bénévole, artiste et fêtard. En participant à l’implémentation de ce projet, c’était pour moi une manière très concrète de soutenir ce milieu.

PETZI – FÉDÉRATION SUISSE DES CLUBS ET DES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES

Quelle a été ta suite en Suisse ? Tu as continué les études ?

Je suis ensuite parti suivre le Master Media Design à la HEAD, dans l’optique d’affiner ma pratique et d’élargir mon réseau. Les intervenant.e.s et workshops y étaient formidables et nous étions une petite équipe d’étudiant.e.s assez farfelue. J’ai particulièrement aimé le temps qui a été alloué à la rédaction du travail de mémoire, où j’ai abordé la question de l’émergence de certains comportements sociaux sur les réseaux, en particulier l’indignation morale. J’ai ensuite pu m’inspirer de ce travail théorique pour créer un set d’objets connectés permettant aux utilisateur.trice.s de lutter contre leur « incontinence émotionnelle » sur Twitter.  Dans les grandes lignes, il s’agissait d’analyser le contenu émotionnel d’un tweet et de rediriger l’utilisateur.trice vers un objet, dont la fonction première était de « valider » l’émotion, avant d’envoyer le message. Si un tweet contenait de la colère, alors il fallait hurler dans un mégaphone. Si il y avait du contenu repéré comme « impulsif » par le modèle, alors il fallait mettre une espèce de masque qui détectait si on avait tourné sa langue 7 fois dans sa bouche, etc… 

Akrasia: toolkit d’objets connectés avec pour vocation de lutter contre l’incontinence émotionnelle sur Twitter

En parallèle j’ai travaillé avec int.studio, spécialisé dans le design interactif. J’ai participé entre-autres au développement de Interactive Replicas, un dispositif permettant aux visiteurs du Mudac de manipuler des répliques miniatures d’oeuvres appartenant au musée.

À l’issu de mon master, j’ai tout de suite eu la volonté de me tourner vers l’enseignement, au moins à temps partiel. Un poste d’enseignant dans la filière Interaction Media Design se libérait à l’Eracom et j’ai eu la chance d’avoir pu y débuter ma pratique d’enseignement. J’y ai très rapidement pris gout et c’est progressivement devenu mon activité principale. 

Mais alors pourquoi laisser l’Eracom ?

Je me suis beaucoup plu à L’Eracom. Mes collègues y étaient super et j’ai adoré être au contact des jeunes. Il s’agissait de classes plutôt petites, donc il était possible d’apprendre à connaître chaque élève individuellement. Je suis néanmoins arrivé à un stade où j’avais envie d’enseigner du contenu plus technique et rejoindre une institution qui fait la part belle à la recherche. 

Qu’attends-tu de ton expérience au MEI / COMEM+ ?

Ma tâche principale sera de former les étudiant.e.s avec panache, tout en leur donnant goût pour la programmation. Pas facile, je sais. Pour ce qui est de l’institut, j’ai hâte de commencer à participer aux différents projets: tout ce qui m’a été présenté jusqu’à présent est vraiment interessant. On y sent une vraie ouverture d’esprit et une profonde considération des questions éthiques liées au numériques. 

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