Xavier Good, de la musique aux serious games

La transmission de connaissance, la pédagogie ou l’apprentissage, sont des thématiques au cœur de la pratique de Xavier, qu’elle soit musicale ou dans son rôle de développeur. Ses compétences techniques et artistiques ont non seulement pu être transférées depuis la musique vers son travail au sein d’Albasim, mais elles influencent subtilement son approche du serious game et son rapport à l’humain. Avec un sens aigu des facteurs nécessaires à un bon apprentissage, pour Xavier, s’approprier un savoir, c’est primordial pour l’individu et pour le groupe. 

Raconte-nous, tu as suivi un parcours “musical” avant de rejoindre l’ingénierie des médias?

J’ai commencé par obtenir un bachelor puis un master en saxophone jazz à l’EJMA. Par la suite, j’ai enseigné et performé, j’ai été actif dans divers projets (funk, jazz, musique balkanique).Je continue de jouer dans divers projets musicaux, principalement du jazz et des musiques improvisées, notamment en duo avec le pianiste Yannick Delez. Nous donnons des concerts en Suisse et à Berlin.

XY évolue dans des structures qui visent à s’affranchir du schéma accompagnateur-soliste où se tisse un discours volontiers contrapuntique. Le duo puise ses racines dans les harmonies de la musique impressionniste et contemporaine du XXe siècle, et propose un jazz contemporain libre complice et onirique.

XY DUO – credit photo © Loïc Gardiol

Et après c’est le revirement complet ?

Comme dans toutes les disciplines artistiques, la question du revenu est complexe en musique. Les rémunérations des concerts sont souvent très faibles. Qui plus est les plateformes de streaming ont complètement tué les revenus liés à la vente de disque : typiquement il faut écouter un artiste pendant 400 heures pour qu’il gagne 20 francs sur Spotify.

La pratique d’un art est une manière unique de se connecter à soi. Mais bien que les avantages soient innombrables (la création, les concerts, les belles rencontres), je me rendais compte que gagner ma vie avec la musique n’allait pas me convenir. Mon plan B était depuis le début l’informatique, du coup reprendre des études dans ce domaine était un vrai plaisir, j’adore apprendre.

J’ai repris mes études à l’âge de 26 ans, commençant par une année de cours du soir à la HEIG, puis j’ai opté pour une formation à plein temps à l’EPFL. Après l’obtention de mon master, j’ai travaillé dans le privé pendant 7 ans pour Atracsys Interactive où j’ai notamment pu monter en compétence en programmation, en conception logicielle et faire mes armes en communication.

Ta double formation influence-t-elle ton travail au MEI et ta vision des choses ?

Oui, mais de manière subtile. Sur l’aspect humain, la musique c’est beaucoup de rencontres en tous genres et beaucoup de collaborations, le plus souvent sans hiérarchie et avec différents corps de métier, dans des contextes variés. Cela m’a grandement enrichi sur le plan de la communication. D’autre part, l’enseignement du saxophone durant plusieurs années m’a donné un peu d’intuition pédagogique sur la transmission de savoir et des facteurs qui favorisent ou inhibent l’apprentissage.

Comment es-tu arrivé dans l’équipe Albasim ?

Deux aspects ont suscité mon intérêt : les jeux dans un premier temps et les problématiques de pédagogie et d’apprentissage. Ce poste concentrait tant mes compétences techniques que mon intérêt pour l’apprentissage. Pour moi, il s’agissait d’une postulation vraiment spontanée, je ne me suis pas posé de questions.

Quel est ton rôle au sein de cette équipe ?

Je participe à tous les aspects, techniques, conception pédagogique et coordination. Nous sommes actuellement sur un grand projet en collaboration avec les HUG qui porte sur la formation des urgentistes pour les événements majeurs. Concernant la conception pédagogique, je dois comprendre les objectifs d’apprentissage et les compétences métier pour lesquelles sont formés les joueurs puis articuler des mécaniques de jeu qui répondent à ces objectifs. Je dois en quelque sorte me mettre à la place de l’apprenant, me demander ce qu’il va se poser comme question, puis comment le guider une trajectoire sans être trop directif. Concernant la gestion de projet, je planifie le développement et donne une vision globale à l’équipe.

Si tu devais expliquer ton métier à ta grand-mère, que lui dirais-tu ?

Je crée des jeux pour des adultes qui les aident à mieux apprendre en prenant du plaisir.

Pourrais-tu m’expliquer ce qu’est un serious game et pourquoi ce domaine de recherche t’intéresse?

Ce terme est assez large. Dans sa définition générale, il s’agit d’un jeu qui a pour but de captiver pour transmettre une connaissance ou un message.

La question de l’apprentissage et de la transmission de connaissance et au sens plus général de l’anatomie de la communication d’une information d’une personne à l’autre sont des questions intarissables. Dans tout type de relation d’ailleurs. Et le serious game revêt pour moi un intérêt tout particulier au sens où il amène la dimension de l’engagement ainsi que la notion de point de vue qui permet aux joueurs de se projeter différemment et plus concrètement sur une problématique donnée. La communication est le point névralgique d’un groupe d’individus, permettant la cohésion d’une société. S’approprier un savoir et le transmettre est primordial pour l’individu et pour le groupe.

L’anatomie du savoir est au coeur d’un bon serious game

Comment envisages-tu l’intégration des serious games dans le domaine de l’éducation et quelles sont les potentialités pédagogiques que tu vois dans ces jeux ?

Je pense qu’ils sont un outil pédagogique qui peut apporter énormément, la problématique de l’engagement dans l’apprentissage me paraît essentielle. L’apprentissage dans n’importe quelle situation est systématiquement meilleur lorsqu’il prend du sens, lorsqu’il répond à un besoin ou un désir. Le serious game peut apporter une forme d’engagement et de par l’aspect situationnel induire une appropriation de savoirs ou de connaissances.

De plus, les serious games permettent une approche d’apprentissage plus flexible, incitant les joueurs à explorer des questions pertinentes par eux-mêmes, plutôt que de leur fournir des réponses toutes faites. Les serious games enrichissent l’approche classique d’apprentissage en encourageant les apprenants à explorer activement des questions et à partager leurs points de vue et leurs expériences avec les autres, plutôt que de suivre une approche didactique rigide. L’appropriation de la problématique ou du savoir qui y est lié est ainsi plus personnelle.

Quel est ton serious game idéal/rêvé?

Un jeu qui porterait sur les discriminations, tous types confondus : « comment déconstruire des généralisations ou des marginalisations ? ». Je pense que la mise en situation serait très intéressante et permettrait de donner au joueur des perspectives qui lui feraient ressentir de manière plus intime ce qui se joue en lui, et induire de l’auto-analyse.

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